Le doublage français
Le doublage français
Dossier rédigé par Océane
Dans le domaine de l'animation, le doublage est un élément à ne pas négliger. Il est aussi important que la partie technique, la bande sonore ou le scénario. Un bon doublage est primordial pour que le spectateur puisse ressentir toute la palette d'émotions d'un personnage.
L'importance d'un bon doublage
Le doublage est souvent perçu comme une simple prestation vocale, mais il s’agit en réalité d'une composante essentielle du métier d’acteur. Les doubleurs, bien qu'ils travaillent dans l'ombre, exercent un art exigeant qui requiert des compétences équivalentes, voire supérieures, à celles du jeu d’acteur face à une caméra. La principale différence réside dans l'absence de gestuelle physique, remplacée par une maîtrise fine et précise de la voix.
Être doubleur est un véritable travail d'interprétation, où chaque nuance émotionnelle – du plus léger sourire à la tristesse la plus profonde – doit être fidèlement retranscrite par la voix. Un doubleur accompli doit comprendre et incarner son personnage avec autant de profondeur et de subtilité qu'un acteur sur scène ou à l'écran. Il ne suffit pas de lire des répliques : il faut faire vivre le personnage à travers des intonations, des rythmes, et des silences parfaitement maîtrisés. En ce sens, le métier de doubleur et celui d'acteur sont indissociables. Tous deux nécessitent une compréhension fine des émotions humaines et la capacité à les exprimer de manière authentique. Le doublage n'est pas une sous-discipline, mais bien une extension complète du jeu d'acteur, où la voix devient l'instrument principal de création.
Les étapes techniques du doublage
Techniquement, le processus de doublage se déroule en plusieurs étapes clés :
- Préparation : Le doubleur reçoit le script et visionne des extraits du film ou de la série pour comprendre les émotions et le timing des scènes.
- Enregistrement : Le doubleur enregistre ses répliques en synchronisation avec les mouvements des lèvres des personnages (synchro labiale), tout en respectant le rythme et l’intonation.
- Direction artistique : Un directeur artistique supervise l'interprétation pour s'assurer que la voix transmet correctement les émotions du personnage.
- Mixage audio : Une fois les voix enregistrées, elles sont mixées avec la bande-son originale, incluant la musique et les effets sonores, pour obtenir un rendu fluide et cohérent.
Le doublage, une priorité ?
En France, on apporte une attention particulière au doublage, qui est rarement délaissé, qu'importe le budget du film. Ce n'est pas le cas dans tous les pays, qui ont tendance à négliger cette partie et préfèrent parfois garder la version originale sous-titrée. La plupart du temps, les productions privilégient les langues majeures comme l'anglais, l'espagnol et le français. D'autant plus que parmi ces langues, il existe généralement plusieurs versions séparées afin de respecter les accents ou dialectes, comme l'Amérique latine et l'Espagne, ou encore la France et le Québec.
Des piliers du doublage français
Il ne faut pas oublier qu'être doubleur, c'est un métier où l'on travaille dans l'ombre. Cependant, il y a des voix qui ont bercé notre enfance et qui continuent de nous faire rêver au quotidien. Certains doubleurs ont une voix tellement culte qu'on les reconnaît immédiatement dès leur première réplique.
Brigitte Lecordier
C'est le cas pour Brigitte Lecordier, connue pour être la voix française de Son Goku et Son Gohan enfants, dans les licences Dragon Ball. Bien que les deux personnages partagent la même voix, ils n'ont pas le même caractère ni la même personnalité. Brigitte Lecordier doit donc varier légèrement son intonation afin que chaque personnage possède sa propre identité, et ne soit pas qu'une copie conforme de l'autre.
- Elle garde d'ailleurs son rôle de Son Goku et Son Gohan dans les multiples films de la franchise, et prête également sa voix à Son Goten et Trunks dans les films Dragon Ball Z : Fusions (Shigeyasu Yamauchi, 1995), Dragon Ball Z : L'Attaque du dragon (Mitsuo Hashimoto, 1995), Dragon Ball Z : Rivaux dangereux (Shigeyasu Yamauchi, 1994), Dragon Ball Z : Attaque Super Warrior! (Yoshihiro Ueda, 1994)...
- On peut aussi la retrouver dans quelques rôles mineurs dans d'autres films d'animation : des voix d'enfants dans Le Tombeau des Lucioles (Isao Takahata, 1988), Mme Saito dans Jujutsu Kaisen 0 (Park Seong-hu, 2021), Olie dans les films Rolie Polie Olie (Ron Pitts)...
Dorothée Pousséo
On peut également citer Dorothée Pousséo, une personnalité emblématique dans le milieu du doublage. Sa voix enrouée et son timbre lui ont permis de se faire repérer dès son plus jeune âge. Tout comme Brigitte Lecordier, elle double parfois plusieurs voix au sein d'une même franchise, comme par exemple les sœurs Mary-Kate et Ashley Olsen à travers leurs films et séries, et doit par conséquent trouver une intonation propre à chacune car elles n'ont pas le même tempérament.
Pour ce qui est des films d'animation, on peut l'entendre dans divers rôles, tous autant excentriques, pétillants et hauts en couleur :
- Vanellope dans Les Mondes de Ralph et sa suite (Rich Moore), Charlotte dans La Princesse et la Grenouille (John Musker, Ron Clements, 2009), Gidget dans la franchise Comme des bêtes (Chris Renaud), Anxiété dans Vice-Versa 2 (Kelsey Mann, 2024)...
Donald Reignoux
Donald Reignoux, qui a démarré en tant qu'acteur enfant et qui est désormais un monument dans le doublage, est réputé pour être la voix de Titeuf (Zep, 2001), une voix atypique qu'il parvient à moduler en fonction des rôles. Son intonation est plus posée lorsqu'il double l'acteur américain Andrew Garfield, ou le personnage de Sora dans la série de jeux vidéos Kingdom Hearts (Square Enix, 2002).
Il possède également une infinité de rôles dans l'animation :
- Harold dans la franchise Dragons (Dean DeBlois), Andy dans le premier Toy Story (John Lasseter, 1995), Félix Fix Jr dans Les Mondes de Ralph (Rich Moore), Kristoff dans la saga La Reine des neiges (Chris Buck, Jennifer Lee), Carl dans Bienvenue chez les Robinsons (Stephen J. Anderson, 2007), Kanta dans Mon voisin Totoro (Hayao Miyazaki, 1988), Haku dans Le Voyage de Chihiro (Hayao Miyazaki, 2001)...
Patrick Préjean
Certains comédiens transforment complètement leur voix, jouent avec les intonations, les aigus, les graves, jusqu'à s'éloigner totalement de leur voix classique. C'est ce que réalise le comédien Patrick Préjean, qui n'a jamais la même voix d'un personnage à l'autre. Même si son timbre demeure le même, il peut être plus difficile à reconnaître selon ses rôles.
- C'est par exemple la voix emblématique de Grosminet des Looney Tunes (Tex Avery) et de Tigrou dans la licence Winnie l'ourson (John Lounsbery, Wolfgang Reitherman).
- Il incarne également Bayonne dans la saga Toy Story (John Lasseter, Lee Unkrich, Josh Cooley). Il reprend son rôle de Nigel Delajungle dans La Famille Delajungle, le film (Jeff McGrath, Cathy Malkasian, 2002). Il garde également le personnage de Grosminet ainsi que celui de Sam le pirate dans les films de la licence Looney Tunes, ainsi que dans Space Jam (Joe Pytka, Malcolm D. Lee)...
Emmanuel Curtil
Emmanuel Curtil, la voix culte de Jim Carrey, transforme également sa voix en allant dans les tons graves tout en gardant à la fois un timbre sensuel et chaleureux, avec des rôles souvent comiques.
- Il prête sa voix virile a Kronk dans Kuzco, l'empereur mégalo (Mark Dindal, 2001). Il incarne le personnage de Simba dans le film Le Roi Lion (Rob Minkoff, Roger Allers, Darrell Rooney, Bradley Raymond), une voix totalement différente de la précédente. On peut aussi l'entendre dans le rôle de Buck dans L'Âge de Glace 3 : Le Temps des dinosaures (Carlos Saldanha, Mike Thurmeier, 2009) et L'Âge de Glace 5 : Les Lois de l'Univers (Mike Thurmeier, 2016). On peut aussi noter son personnage de Dimitri dans Anastasia (Don Bluth, Gary Goldman, 1997).
Les autres acteurs notables dans le domaine
Tant d'autres comédiens ont leur place dans cet article, au même titre que ceux précédemment cités :
- Benoît Allemane, voix de Zeus dans Hercule (Ron Clements et John Musker, 1997)
- Richard Darbois, voix de Buzz l'Éclair dans la franchise Toy Story (John Lasseter, Lee Unkrich, Josh Cooley)
- Adeline Chetail, voix des héroïnes des films d'Hayao Miyazaki dans Kiki la petite sorcière (1989), Nausicaä et la Vallée du vent (1984), mais aussi Arrietty, le Petit Monde des chapardeurs (Hiromasa Yonebayashi, 2010)
- Éric Métayer, voix de Iago dans Aladdin (Ron Clements et John Musker, 1992) et de Vector dans Moi, moche et méchant (Chris Renaud, Pierre Coffin, 2010).
- Alexis Tomassian, très actif dans le doublage de séries et de films d'animation. Il est la voix française de Casse-Bonbon dans Les Razmoket (1991), ou de Robin dans plusieurs films de DC Comics, comme Batman vs. Robin (Jay Oliva, 2015).
Ces acteurs ont réussi à donner vie à chacun de leurs personnages uniquement à travers une intonation et un timbre particulier, reconnaissables des plus attentifs.
Les « guests » du doublage, bonne ou mauvaise idée ?
Il arrive que les studios préfèrent miser sur des célébrités connues mais avec peu d'expérience d'acteur. Grâce à leur notoriété, les influenceurs, les humoristes, les footballeurs, les chanteurs, les animateurs, peuvent apporter plus d'audience et favoriser la promotion d'un long-métrage, mais cela peut aussi parfois se faire au détriment de la qualité finale du doublage. Voici quelques exemples de "guests" pour le meilleur et parfois le pire:
- Kev Adams qui incarne Bailey le béluga dans Le Monde de Dory (Andrew Stanton, 2016)
- Squeezie qui prête sa voix à Ratchet dans Ratchet et Clank (Kevin Munroe, Jericca Cleland, 2016)
- Malik Benthala qui double le fameux hérisson bleu dans Sonic, le film (Jeff Fowler)
- Jamel Debbouze et son rôle approximatif de Zini dans Dinosaure (Eric Leighton, Ralph Zondag, 2000)
- Natoo pour Batgirl dans Lego Batman, le film (Chris McKay, 2017).
Bien que certains n'aient que quelques répliques, leur nom figure tout de même sur l'affiche pour attirer leur communauté de fan.
- Squeezie, Cyprien et Natoo dans Bob l'éponge, le film : Un héros sort de l'eau (Paul Tibbitt, Mike Mitchell, 2015), qui doublent des mouettes pour seulement quelques minutes.
- EnjoyPhoenix dans Le Monde de Dory (Andrew Stanton, 2016), qui prête sa voix à une guide de l'aquarium de l'Institut de biologie marine, un rôle mineur présent à l'écran quelques secondes.
- Antoine Griezmann qui fait un caméo avec Superman dans Lego Batman, le film (Chris McKay, 2017).
L’intégration de "guests" sans expérience dans un film peut être perçue comme une forme de dévalorisation du métier d'acteur, laissant croire à tort que cette profession est accessible à tous. Cela nuit à l'industrie : le public risque d'être déçu par des performances peu convaincantes, tandis que la personnalité choisie peut se retrouver exposée à des critiques. Incarner un personnage demande une maîtrise profonde de l’interprétation pour lui donner vie. Malheureusement, certains invités peinent à s'approprier pleinement ce rôle. Les comédiens, quant à eux, s’appuient sur leurs répliques en y intégrant des gestes et des expressions pour améliorer l’immersion et renforcer la crédibilité de leur performance.
Cependant, ce n'est pas toujours une mauvaise idée. En effet, cela peut nous amener à des révélations avec certaines célébrités :
- Lorie, qui incarne Violette dans le premier volet Les Indestructibles (Brad Bird, 2004) ou La Fée Clochette dans le film éponyme (Bradley Raymond, Klay Hall, Peggy Holmes, Roberts Gannaway, Steve Loter)
- Louane et M. Pokora qui incarnent les personnages principaux dans Les Trolls (Mike Mitchell, 2016)
- Michaël Gregorio dans le rôle de Gnoméo dans Gnoméo et Juliette (Kelly Asbury, 2011)
Un bon doublage se distingue lorsque le personnage incarne pleinement sa propre identité, apparaissant authentique, naturel et spontané. Qu'il y ait ou non une transformation de la voix, l'essentiel est que le spectateur ressente l'intensité et l'émotion du personnage, au point d'oublier la personne qui se cache derrière. Si le doubleur devient trop reconnaissable, cela peut briser l’immersion et rendre difficile une réengagement total dans l'univers du film.
Un métier menacé par l'IA ?
Au fil des années, la technologie évolue de plus en plus et prends davantage de place sur les métiers artistiques et audiovisuels. Que ce soit dans l'écriture, le graphisme, le dessin, la vidéo ou encore la musique, des intelligences artificielles peuvent désormais générer des textes, des images, ou créer des contenus grâce aux multiples ressources trouvées sur Internet.
C'est à la fois une évolution fascinante, qui peut faciliter beaucoup de tâches et permettre un gain de temps sur certains travaux, mais elle peut également s'avérer dangereuse car elle pourrait remplacer de multiples métiers artistiques, dont le doublage.
Des voix artificielles pourraient remplacer les comédiens et autres personnalités dans les films, publicités ou jeux vidéo dans un avenir proche. Ces voix sont assez impressionnantes dès la première écoute, et certaines parviennent même à imiter des comédiens en reprenant exactement leur timbre de voix et leur intonation.
Cependant, les voix générées par l'IA manquent encore d'authenticité, souvent perçues comme fades, dénuées d'émotion et de profondeur. Toutefois, de nombreux comédiens expriment leur inquiétude face à l'émergence rapide de l'IA, qui, selon eux, représente une menace croissante pour leur métier en raison de l'évolution fulgurante de la technologie.
Une pétition a été créée début 2024, intitulée « Touche pas à ma VF », et une vidéo a tourné sur les réseaux sociaux en mai 2024 avec de multiples comédiens qui se sentent menacés par l'intelligence artificielle. Ils désirent éviter les usurpations d'identité, garder leurs droits sur leurs voix, et souhaitent demeurer un pays ouvert à la culture afin que les artistes puissent continuer à expérimenter et à effectuer leur travail par passion.
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