Illustration d'animation classée X: Film Fritz The Cat

Dossier rédigé par Guillaume

Le cinéma d’animation ne s’adresse pas uniquement aux enfants, même si son esthétique suggère fortement l’inverse. La catégorie Adulte englobe les films et œuvres d'animation spécifiquement conçus pour un public mature. Ces films se distinguent par leur capacité à aborder des thèmes complexes, profonds et souvent réalistes, tout en utilisant des éléments visuels et narratifs qui peuvent inclure la violence, la sexualité, ainsi que des réflexions philosophiques et sociales élaborées.

 

L'animation, ce n'est pas que pour les enfants

Les films d'animation destinés aux adultes se distinguent par plusieurs aspects : ils traitent de sujets tels que la politique, la guerre, l'identité, la psychologie, ou encore des dilemmes moraux et éthiques. Contrairement aux films tout-public, ces œuvres proposent souvent des intrigues non linéaires, des récits multi-couches ou des fins ouvertes qui suscitent la réflexion. Ils expérimentent fréquemment avec des styles visuels distinctifs, allant de l'animation traditionnelle à des techniques hybrides ou innovantes. Ces films n'hésitent pas à intégrer des éléments choquants, perturbants ou subversifs, défiant ainsi les attentes traditionnelles associées à l'animation, et ne sont donc pas destinés aux enfants.

L'animation peut également explorer des thèmes plus sombres et des représentations intenses. Elle peut parfois aborder des sujets marqués par la violence, la vulgarité ou des éléments de l'horreur et de l'épouvante, allant jusqu'au gore. L'animation peut aussi se faire sensuelle, voire érotique, et, dans certains cas même pornographique.

 

Belladonna
Belladonna - Eiichi Yamamoto - 1973

 

L'animation osée

Cet intérêt de l'animation « hors normes » commence concrètement avec le réalisateur américain Ralph Bakshi, qui décide de réaliser un dessin animé exclusivement à destination d'un public adulte. Fritz le chat, sorti en 1959, est un film très controversé, et pour cause, il est le premier long métrage d’animation à recevoir un classement X. L’histoire met en scène un chat anthropomorphe débridé dans une satire de la vie universitaire et de la sexualité libérée. Le film devient rapidement un succès mondial.

 

Fritz the Cat
Fritz the Cat - Ralph Bakshi - 1972

 

Fritz le chat semble susciter des vocations, et certains réalisateurs deviennent même des maitres du genre, tels que Phil Mulloy et le Belge Picha.Ce dernier réalise des films qui mettent en scènes des personnages obscènes, souvent nymphomanes et complètement délurés, dans un univers peuplé de phallus, comme dans La Honte de la Jungle (1975).

 

La Honte de la jungle
La Honte de la Jungle - Picha - 1975

 

Peter Jackson (célèbre pour sa saga Le Seigneur des Anneaux) débute dans le cinéma avec une parodie des Muppets: Les Feebles (1989), mettant en scène des marionnettes hautes en couleur, vulgaires et obsédées par la chose.

 

Les Feebles
Les Feebles - Peter Jackson - 1989

 

L’américain Bill Plympton réalise des films destinés aux adultes bénéficiant d’une intelligence artistique et narrative surprenante. L’homme façonne son propre style, reconnaissable entre tous, et déjà très bien définie dans L’Impitoyable Lune de miel ! (1997).

 

L'Impitoyable Lune de miel !
L’Impitoyable Lune de miel ! - Bill Plympton - 1997

 

La violence dans les anime

Les anime sont parfois trop violent pour qu’ils soient regardés par des enfants, et ce n’est pas Le Club Dorothée qui dira le contraire. La célèbre émission de jeunesse (diffusée de 1987 à 1997) s’est en effet trompée de cible en diffusant tour à tour Dragon Ball Z, Les Chevaliers du Zodiaque, et pires encore, Ken le survivant, des séries comportant beaucoup de scènes de violences. Ce choix, bien entendu, n’a pas vraiment convaincu les parents soucieux de ce que leurs enfants regardaient à la télévision.

Cette erreur de jugement est avant tout due aux différences culturelles entre la France et le Japon (où sont produit les animes). En effet, au pays du soleil levant les animes ne sont pas du tout exclusif aux enfants, contrairement aux dessins animés français de l’époque, ils en existent pour tous les publics. Si les Japonais intégraient déjà très bien cette notion et cette demande du public, il y a trente ans en arrière, ce n’était pas le cas des français qui ne semblaient pas vouloir admettre que les dessins animés pouvaient aussi intéresser les grands. L’idée préconçue qu’un dessin animé ne pouvait être produit que pour un public d’enfants, doublé d’une certaine négligence, s’est donc soldée par ces erreurs de programmations responsables de l’arrêt de l’émission.

La violence de certaines séries japonaises n'est plus à démontrer (même si elle est loin d'être généralisé à toute l'industrie de l'anime). Le héros de Ken le survivant, pour citer un exemple des plus parlants, maitrise un art martial extraordinaire capable de faire exploser les têtes de ses ennemis après leur avoir placé un coup bien précis. Le spectacle propose donc de nombreuses scènes de décapitation et de démembrement, et tout cela accompagné de grandes effusions de sang. Si l’anime s’est constitué un grand public de fans, il va de soi qu’un enfant de moins de douze ans ne devrait pas être la cible d’un tel programme.

 

Ken le survivant
Ken le survivant - Toyoo Ashida - 1984

 

Vulgarité

South Park est l’archétype du programme vulgaire. Les obscénités et la violence sont dédramatisées avec humour dans cette série à prendre au quatrième degré.

 

South Park, le film : Plus long, plus grand et pas coupé
South Park, le film : Plus long, plus grand et pas coupé - Trey Parker - 1999

 

Drame d'une extrême violence

Coproduction israélo-franco-allemande, Valse avec Bachir (2008) est considéré (à tort) comme le premier long métrage documentaire d’animation de l'histoire du cinéma. Le film, plusieurs fois primé, surprend par sa forme et la gravité de ses thèmes abordés. L’œuvre n’est clairement pas à ranger sur la même étagère que les films cités plus haut, car d'un tout autre registre, mais il n'empêche qu'il comporte des scènes d’une extrême violence (physique et psychique), pouvant heurter la sensibilité de certains adultes (le rédacteur de cet article, pour commencer), reste à imaginer l’impact qu’il aurait sur un enfant… Une raison qui en fait un film à destination d’un public averti, au même titre que le bouleversant Téhéran Tabou de Ali Soozandeh.

 

Valse avec Bachir et Téhéran Taboo
Valse avec Bachir - Ari Folman - 2008 (à gauche) / Téhéran Tabou - Ali Soozandeh - 2017 (à droite)

 

Pas forcement violent ou obscène

Les films d'animation pour adultes ne se limitent pas aux œuvres vulgaires ou violentes. Ils incluent également des films qui, bien que dépourvus de contenu explicite, abordent des thèmes profonds, des réflexions complexes ou des tons inappropriés pour un jeune public. Ces films s'adressent à un public mature en raison de leur approche psychologique, philosophique ou sociale.

Anomalisa (2015) de Charlie Kaufman et Duke Johnson est un exemple parfait de ce type de contenu. Le film explore la solitude, l'aliénation et la recherche d'une connexion authentique, des thèmes qui nécessitent une certaine maturité pour être pleinement compris.

 

Anomalisa
Anomalisa - Duke Johnson, Charlie Kaufman - 2015

 

Buñuel après l'âge d'or (2018) est un film espagnol réalisé par Salvador Simó, retraçant une période charnière de la vie du cinéaste Luis Buñuel, pendant le tournage de son documentaire Terre sans pain en 1932. Suite au scandale provoqué par la projection de L'Âge d'or à Paris en 1930, Buñuel se retrouve déprimé et sans ressources financières. Le film explore les défis artistiques et personnels rencontrés par Buñuel lors de ce tournage, tout en offrant une réflexion sur le processus créatif et les dilemmes éthiques liés à la réalisation documentaire.

 

Buñuel après l'âge d'or
Buñuel après l'âge d'or - Salvador Sima - 2019

 

Esthétique enfantine, contenu adulte

Ce dossier démontre que l’animation n’est pas uniquement l’apanage des enfants, même si l’inconscient collectif suggère l’inverse. Les exemples d’œuvres violentes, ou obscènes, sont légions, même dans le cinéma d’animation. Quelques œuvres se contentent de frôler les limites, certaines les dépassent de manière éhontée sous le couvert de l’art et de la liberté de créer. Des productions jouent clairement sur deux tableaux en proposant une esthétique enfantine et un propos adulte qui exprime par le discours et les images un contenu inapproprié pour un jeune public. C’est le cas de la série Happy Tree Friends, qui voit ses mignons personnages se faire trucider de manière abjecte, ou, pour citer un exemple plus récent, le film Sausage Party : La vie privée des aliments qui jongle entre le film d’horreur et le film pornographique, tout cela dans une joyeuse esthétique qui suggère fortement que le film est destiné aux plus jeunes. Une sorte d’arnaque immorale, difficilement défendable, surtout pour un parent mal informé qui aurait par inadvertance laissé son enfant visionner cela. Si cette drôle de pratique nous apparait comme une aberration, ne crions pas trop vite à la censure et rappelons-nous que la commission de classification des œuvres cinématographiques (les fameux "interdit au moins de") est justement là pour éviter ce genre de désagrément.

 

Happy Tree Friends et Sausage Party
Happy Tree Friends - Kenn Navarro, Aubrey Ankrum, Rhode Montijo - 1999 (à gauche) / Sausage Party : La vie privée des aliments - Conrad Vernon, Greg Tiernan - 2016 (à gauche)

 

Entre art et controverse

L’animation est à l’image du cinéma, elle propose des spectacles pour tous les goûts. Si la violence (aussi bien visuelle que verbale) et le sexe prêtent parfois à réfléchir, par la façon dont ils peuvent accompagner le sujet, ils peuvent également nous laisser perplexes dans certains cas lorsqu'on en vient à se questionner sur leurs rôles et leurs nécessités. Enfin, si ces aspects dans l’art sont inévitables, voire parfois souhaitables, pour développer des situations ou des tensions dramatiques, créer des crises, ou tout simplement raconter une histoire sous tous ses aspects, ils deviennent franchement dérangeants dès lors qu'ils sont omniprésents, voire obsédants, au sein de production qui ne semble n’avoir plus que cela à nous offrir pour tenter de nous divertir.

 

Mutafukaz
Mutafukaz - Shōjirō Nishimi, Guillaume Renard - 2017

 

L'Importance de la catégorie Adulte

Les films d'animation pour adultes jouent un rôle essentiel en enrichissant le paysage de l'animation avec des œuvres qui repoussent les limites narratives et esthétiques. Ces films défient les conventions et démontrent que l'animation n'est pas un format restreint aux enfants ou aux récits légers, mais un moyen d'expression artistique à part entière, capable de raconter des histoires aussi profondes et nuancées que celles du cinéma en prises de vue réelles. En élargissant leur audience et en abordant des thématiques complexes, les films d'animation pour adultes contribuent à revaloriser l'animation en tant qu'art majeur, capable d'interroger, de choquer et de faire réfléchir.

Sur CinéAnimation, nous classons tous les films destinés à un public de plus de 16 ans dans la catégorie Adulte. Cela inclut également certaines productions bénéficiant d'une classification ambiguë, mais frôlant parfois les limites en termes de contenu. Lorsque subsiste un doute, nous préférons classer les films dans cette catégorie pour éviter toute mauvaise surprise. C'est notamment le cas de certains films des franchises DC Comics produits par Warner Bros. Animation, qui peuvent sembler tout-public, mais qui incluent des scènes de vulgarité et de violence inappropriées pour un jeune public. Nous restons vigilants à ces aspects, et si un film est étiqueté comme Adulte sur CinéAnimation, il est recommandé de le retirer à vos enfants.

 

They Shot the Piano Player
They Shot the Piano Player - Fernando Trueba, Javier Mariscal - 2023