Thibault Pansiot - AnimStarter.com
Pour notre première interview, inaugurant notre nouvelle chronique Plan Séquence, nous avons le plaisir de recueillir les conseils de Thibault Pansiot, un animateur talentueux qui a su tracer son chemin dans le monde de l'animation et des effets spéciaux à travers des collaborations prestigieuses dans le monde entier.
Passionné par l'art de l'animation, Thibault enseigne à de nombreux aspirants animateurs en partageant ses connaissances et son expérience via son site AnimStarter.com. Thibault a accepté de nous parler de son parcours et de son travail sur sa plateforme, véritable boîte à outils pour tous ceux qui rêvent d'entrer dans l'univers fascinant de l'animation.
L'animateur
- Bonjour Thibault. Est-ce que ton travail te plaît ?
Oui énormément, je gagne ma vie en jouant avec des figurines comme un gamin ! Cette fois, les figurines sont en 3D et en plus je peux partager ça avec le monde entier, c’est quand même bien fun !
- Peux-tu te présenter en quelques mots ?
J’ai 37 ans, papa de 2 enfants, j’ai migré à Montréal il y a 10 ans. J’aime le voyage, la photographie, le cinéma (forcément).
- Qu’est-ce qui t’a amené vers le monde de l’animation ?
J’ai grandi avec le Club Dorothée. Puis à l'école, j'ai eu un attrait pour la géométrie et l'informatique. J’ai découvert la 3D par hasard, grâce au logiciel de création Cinema 4D sur CD-Rom à 15 ans (oui, à l'époque pré-Internet). Ensuite, j'ai décidé d'explorer cette techno, mais je ne pensais pas encore à l’animation. J’ai longtemps hésité entre une formation d’ingénieur industriel et le cinéma d'effets spéciaux en 3D, car les écoles étaient chères. Mais je me suis lancé dans ce qui me paraissait le plus fun (motivé par des making-of de Star Wars). C’est seulement à l’école que j’ai pris goût à l’animation et que je me suis trouvé des facilités.
- Peux-tu nous parler de ta carrière ?
J’ai étudié l’animation à l'école ArtFx Montpellier sur 3 ans. Après ça, j'ai eu la chance de combiner mon attrait pour les voyages avec le travail. Très tôt, je suis parti vivre à Londres, alors que je ne parlais pas un mot d’anglais. C'était formidable ! Après avoir posté ma démo sur le forum de 3DVF, un superviseur à la société de production The Mill m’a proposé de venir les rencontrer. Après une matinée d’essai, ça s'est transformé en un mois de contrat sur une série de la BBC, Merlin, où j’animais un dragon. Autant dire que je me suis mis une grosse pression ! Puis finalement, j’y suis resté 3 ans, principalement pour des séries TV comme Dr Who, Primeval, des documentaires pour la chaîne et des publicités. Ensuite, j’ai switché pour le film en travaillant pour les société MPC, Framestore, DNEG, et Folks au Canada.
- Dans quel domaine de création interviens-tu ?
En tant qu'animateur, je me concentre uniquement sur les mouvements des créatures et des personnages. Il faut leur donner vie de manière naturelle. En tant que Lead Animateur (chef d'équipe), je suis plus impliqué dans le développement des personnages sur le plan technique, par exemple en collaborant avec les riggers qui créent les squelettes des personnages. Il faut également travailler en étroite collaboration avec tous les animateurs pour offrir des séquences cohérentes et homogènes, correspondant aux attentes du réalisateur. Les deux facettes sont super créatives et passionnantes.
- Peux-tu apporter une touche personnelle aux séquences dont tu es chargé ?
Ça dépend ! Plein de facteurs entrent en jeu : le budget, le type de production, le client, la préproduction... Par exemple, sur des séries TV comme Nick Cutter et les Portes du temps, j'étais super libre et c'était génial ! Mais je pense que le budget n'était pas énorme et le client ne pouvait pas forcément se permettre plusieurs versions ! Pour des films Marvel comme Spider-Man, No Way Home, c’est plus compliqué, car souvent la préproduction a déjà pensé à beaucoup de choses en amont. Mais tout reste possible, même les plus grands réalisateurs se montrent assez ouverts à toute suggestion, et quand ça arrive, ça fait vraiment plaisir !
- Tu as travaillé sur de très grosses productions pour Disney et Warner Bros. Quels ont été les moments marquants de ta carrière jusqu'à présent ? Y a-t-il un projet particulier qui t'a laissé un souvenir fort ?
J’ai adoré travailler sur Pokémon Détective Pikachu. J’y ai beaucoup joué sur Gameboy étant jeune, donc je connais la franchise. De plus, la production a été super fluide et les actions étaient très fun ! Je pense aussi à deux plans qui durent plus d’une minute chacun (ce qui est extrêmement long), pour La Belle et le Clochard et l’autre sur Mowgli d'Andy Serkis. D’autres projets sont marquants, mais pas pour les bonnes raisons, ah ah ah !
- C'est-à-dire ?
Certains projets sont plus chaotiques, et il arrive qu'on passe plus de temps à éteindre des feux qu'à s'amuser à être créatif ! C'est plus rare, mais ça arrive aussi, et ça fait partie du jeu !
- Dans le domaine, quelle est la dernière chose qui t'a vraiment surpris ?
Certaines avancées technologiques, comme le moteur de rendu Unreal qui est destiné aux jeux vidéo. De plus en plus, les jeux et le cinéma se rejoignent pour se mêler, ce qui ouvre plein d'opportunités, j’adore ! Les IA aussi, mais pas pour la génération de vidéos, qui sont encore loin de fonctionner pour nous, mais plus pour accélérer les temps de rendu, par exemple.
- Si tu pouvais travailler avec n’importe quelle personne, vivante ou non, qui choisirais-tu ?
Allez, je dirais Glen Keane, c’est un géant de l’animation, tout ce qu’il anime est excellent, et en plus, il est super sympa ! Sinon, travailler sur un clip musical, ça pourrait être top !
- Quels films as-tu trouvés les plus inspirants ou innovants en termes d'effets spéciaux et d'animation ?
Hmm, ça va faire old school, mais le tout premier Transformers, vu de mes yeux de jeune animateur en 2007, alors que je venais de rentrer à l'école d’animation, c'était super inspirant! Pour l’innovation, je dirais Spider-Man : Across the Spider-Verse ! Bien que j’en ai marre de ces franchises, celui-là apporte enfin un souffle de fraîcheur dans le style visuel !
- Quels sont tes goûts personnels en tant que spectateur ? Et en tant que professionnel, as-tu des ambitions précises qui te motivent ?
J'aime beaucoup la science-fiction, des films comme Contact, Arrival, Interstellar. Je les apprécie justement parce qu'ils sont originaux et ne font pas partie de franchises à multiples reboots ! Si je peux éviter de travailler sur des franchises en tant qu'animateur, je suis heureux, car passer 5 ou 6 ans sur les mêmes personnages, ça donne moins envie.
AnimStarter
- Tu es le fondateur du site AnimStarter.com où tu apportes des conseils aux personnes intéressées par l'animation. Est-ce un métier exigeant ? Quels conseils donnerais-tu à quelqu'un qui veut se lancer dans l'animation aujourd'hui ?
Bah, go ! Amuse-toi, c’est un super métier créatif et motivant ! Un gros avantage qu’on a, c’est qu’aucun diplôme n’est nécessaire, si ce n’est celui de la patience ! Oui, c’est très exigeant parfois, il ne faut pas avoir peur du "pixel fucking" (excusez, mais c’est le vrai terme ^^), qui consiste à changer la démarche de la chèvre en arrière-plan à 4 km que personne ne voit, parce que oui, ça arrive. Il y a aussi beaucoup de pression, que ce soit à cause des budgets ou des deadlines... Hormis ça, c’est quand même génial de voir son travail dans les salles obscures ou de passer devant les affiches du métro en se disant qu’on y a joué un rôle ! Et c’est vraiment ouvert à tous, j'ai commencé sans savoir dessiner ni parler anglais, comme quoi tout est possible. L’apprentissage prend du temps et de la pratique. On anime “seulement” trois secondes par semaine. Le sens de l’observation et du rythme, ainsi que la curiosité, sont également des atouts majeurs.
- Quels sont les obstacles que les débutants rencontrent souvent, et comment peuvent-ils les surmonter ?
En ce moment, c’est le marché de l’emploi qui ne va pas fort à cause des grèves à Hollywood et des plateformes de streaming qui battent un peu de l’aile. Mais quand ça repartira, soyez prêts ! Malheureusement, parfois les démos en sortie d'école ne sont pas prêtes pour une “qualité film”, il faut continuer à travailler et s'améliorer, avec l'aide d'un mentor par exemple, ou en passant par d’autres portes.
- Tu mentionnes sur ton site que de nombreux débutants ont des idées préconçues sur l’animation qui ne correspondent pas à la réalité. Quelles sont ces idées fausses, et comment peuvent-elles être corrigées ?
Oui, effectivement, beaucoup d'étudiants me contactent parce qu’ils veulent “faire de l'animation”. Puis, en creusant un peu, on se rend compte que ce qui les motive, c’est plutôt le modeling ou le compositing, qui sont certes des étapes de postproduction d’un film d’animation, mais qui n’ont rien à voir avec l’animation au sens du mouvement. Renseignez-vous, par exemple, sur les corps de métiers ici pour savoir qui fait quoi.
Lien : https://www.animstarter.com/post/pipeline-de-vfx-et-d-animation-3d
- Est-il possible de vulgariser en quelques points les étapes les plus cruciales de la fabrication d’un film d’animation moderne ? Une personne autodidacte pourrait-elle créer un film toute seule ?
Seul, c’est difficile, c’est toujours plus qualitatif en équipe ! Pour décortiquer les étapes cruciales de la partie 'animation 3D' d’une production, on pourrait les diviser en 3 étapes :
Le layout : On place les caméras, les personnages, qui bougent uniquement en translations. Cela sert à préparer la scène, faire les choix de caméra et placer les décors.
Le blocking : Une première passe d’animation très simple pour valider avec le réalisateur si ça fonctionne dans le montage et si son idée est respectée.
L’animation primaire et finale : Ce sont les passes de 'polish', où l’on ajoute des détails partout, où l’on anime le visage et les lèvres.
- Comment est née l’idée de créer ce site de ressources pour les jeunes animateurs ?
Ça fait des années que ça me trotte dans la tête, car j’envoie souvent les mêmes ressources à mes étudiants. Sur internet, il faut partir à la pêche ici et là pour trouver des rigs, des tutos, des conseils, des podcasts. Alors, je me suis dit que j’allais tout rassembler, pour que les débutants comme les confirmés aient tout à disposition au même endroit.
- Quels sont les objectifs de ce site et ta vision pour son avenir ?
J’ai encore une tonne de contenu à ajouter : des exercices d’animation, des tutos, des événements. Je remercie d’ailleurs la communauté qui m’envoie des infos à ajouter sur le site. Doucement mais sûrement, je commence à être content du résultat !
- Selon toi, qu’est-ce qui manque aujourd’hui en termes de formation ou d’accompagnement pour les jeunes qui veulent se lancer dans l’animation ?
Il y a déjà tout ! Le problème, c’est d'orienter les élèves vers la formation la mieux adaptée pour eux, et c’est aussi ça la mission d'AnimStarter. En fonction des profils, des attentes, des motivations, du budget et de la façon de travailler des étudiants, une école sera plus ou moins faite pour eux. À certains, je conseille des formations courtes 100 % en ligne, à d'autres, des études plus longues et plus généralistes en école. Il est important de ne pas choisir sa formation à la légère pour éviter de perdre du temps et de l’argent dans une formation non adaptée à ses envies.
- Y a-t-il des succès ou des témoignages d’utilisateurs d’AnimStarter qui t'ont particulièrement marqué ?
Je pense à mon étudiant et ami, Amin, qui m’a contacté pour en apprendre plus sur l’animation. Pendant des mois, nous avons parlé du domaine et de l’industrie sans même ouvrir un logiciel ! On a travaillé sur ses idées et maintenant, je suis super content de voir que ses projets retiennent l’attention de producteurs et de diffuseurs à travers le monde. J’ai hâte de voir ça sur les plateformes !
Le mot de la fin
- Dernière question : Parmi tes films d'animation préférés, si tu ne devais en choisir qu'un, lequel serait-ce ?
Ouuuuuchhhhh, aie aie comment choisir ! Allez, je dirais Le Chant de la mer, c’est frais et poétique ! Ça change !
- Merci beaucoup, Thibault. Cette interview nous aura permis d'en apprendre plus sur ton parcours et sur les coulisses du métier d'animateur.
Pour aller plus loin
Si vous souhaitez obtenir davantage d'informations sur l'animation et accéder à des ressources, rendez-vous sur la plateforme de Thibault Pansiot : https://www.animstarter.com