Les films d'animation ce n'est que pour les enfants
Analyse des tendances, de l'actualité et de la culture de l'animation
Les films d’animation sont souvent cantonnés au domaine de l’enfance dans l’imaginaire collectif. Mais est-ce vraiment justifié ? Que dit cette catégorisation sur la société ? Les films d’animation sont-ils réellement destinés uniquement aux enfants ?
Ainsi font, font, font… Les p'tits films d’animation
À contrario des films en prise de vue réelle, les films d’animation ont une méthode de fabrication singulière qui les différencie visuellement de leurs quasi-homonymes. Le dessin laisse une grande liberté aux réalisateurs.
Walt Disney, qui a standardisé cet art au début du siècle dernier, a puisé dans les fables populaires des contrées du monde entier.
Pourtant, certains contes sont trop sombres pour être racontés tels quels, et pour rendre ces récits plus universels et toucher le grand public, Walt Disney choisit de modifier allègrement les récits. L’histoire de La Belle au bois dormant se voit alors édulcorée au profit des bonnes mœurs, tout comme les innombrables fables qui ont inspiré ses chefs-d'œuvre suivants.
Si ces récits ont conquis les plus jeunes avec des leçons de vie simplifiées et des personnages manichéens, ils ont parfois sacrifié la profondeur et les complexités de leurs sources d'origine.
L'animation et la subversion : bien loin des contes de fées
Contrairement à l’image sage que l’on associe souvent aux films d’animation, certains projets ont su bousculer les normes. Les Looney Tunes, créé en 1929, jouait déjà le rôle de porte-parole sociétal sous fond de scènes satiriques jusqu’à l’instauration du Code Hays (un ensemble de règles strictes qui régulait le contenu moral des films produits à Hollywood de 1934 à 1968). Vécu comme une autocensure stricte, cette mesure visait à instaurer des règles éthiques aux œuvres cinématographiques américaines. Adieu les scènes de nudité inopinées, aux oubliettes les baisers langoureux.
Comme toutes bonnes résolutions, le temps les enterre. Ce code de déontologie n’échappe pas à la règle et perd rapidement le respect des membres de la profession.
Le film de Trey Parker sorti en 1999 en est l’illustration moderne. En raison de ses 128 gestes obscènes, ses 221 actes de violence et ses 399 jurons recensés, South Park, le film: Plus long, plus grand et pas coupé entre dans le Guinness Book of Records l’année suivant sa sortie comme le film d’animation le plus vulgaire.
Plus d’un tour dans le sac à dos
Les films d’animation ont plus d’un tour dans leur sac d’écolier, coincé entre le livre d’anglais et la boîte à goûter.
Ainsi, en suivant les aventures du robot Wall-E, le jeune spectateur se laisse porter par une adorable romance mécanique. Mais un œil plus averti y découvrira une critique écologique et sociétale, tout aussi poignante que pertinente.
Les intrigues, bien que colorées et sentant la fraîcheur de nos jeunes heures, sont ainsi plus complexes que la critique tente de nous faire croire.
Regarder et réapprendre à découvrir des films déjà connus, avec davantage de maturité, vous permettra de vous détacher du côté visuel de l'œuvre afin de vous pousser à chercher les symboliques dissimulées.
Vous constaterez sans nul doute que Vice Versa ne parle pas uniquement d’émotions, mais davantage de la gestion de ces dernières, et qu’il explore des sujets complexes de la neuroscience, comme l’homéostasie, sans pour autant vous accabler de théories et perdre sa candeur.
Au placard les héros gentils, du balais les méchants pas beaux
Le monde évolue, les consciences font de même, et les héros s’alignent. La dualité des personnages est désormais la norme. À bas le protagoniste aux allures de dieu grec, à bas l’antagoniste au nez crochu, vive le héros en clair-obscur.
Pour créer des personnages attachants et audacieux, les réalisateurs s’inspirent de notre réalité, en décrochant à l’intérieur de chacun de nous des particules de personnalité.
Nos défauts se retrouvent tendrement illustrés et animés à l’écran, nous rappelant habilement combien il est bon d’être imparfait.
Vous vous attacherez immédiatement à ce grand-père endeuillé ou à ce rat parisien doté d’un sens exquis des assaisonnements sans le moindre effort.
Les adultes ça ne rêvent pas
Une fois adultes, et jugés dignes d’être vouvoyés, le goûter est relégué au rang de “collation”.
Comme un mot interdit, les films d'animation semblent exclus du vocabulaire des grandes personnes.
Pourtant, une fois assis sur les fauteuils rouges, vous pouvez vous remémorer l'époque où les rehausseurs en plastique vous étaient nécessaires. Cette même période où la vie réservait des centaines de mystères, où tout n’était que succession de découvertes sans danger et où l’impossible n’était alors qu’une possibilité.
Les histoires contées, touchantes et imprégnées de bonnes volontés, viennent réveiller notre Peter Pan intérieur et danser avec notre imaginaire.
Parfois teintée de nostalgie, d’autres fois parfumée de nouveauté, cette jolie valse nous oblige à nous dérider de nos responsabilités.
Abandonnez donc vos tracas et embarquez-vous dans les univers fantaisistes qui vous sont dévoilés, votre imaginaire n’en sera que plus fier de vous voir lui redonner ses lettres de noblesse.
Loin d’être une infantilisation de notre société, les films d’animation sont davantage un moyen de rappeler aux adultes combien il est important de rêver.
Certes, pour une majorité, les films d’animation grand public sentent atrocement bon les soirées en famille, les litres de chocolat chaud devant la télévision, et les innombrables heures à jouer aux super-héros, mais ces doux souvenirs suffisent-ils à les catégoriser ? L'imaginaire n'est-il pas le propre des êtres humains ? Que serait finalement un adulte interdit de rêver ?