Illustration de la technique de la rotoscopie: Film "Les Voyages de Gulliver"

Dossier rédigé par Guillaume

La rotoscopie est une technique cinématographique qui consiste à relever image par image les contours d’une figure filmée en prise de vue réelle pour les retranscrire dans un film d’animation dans le but de reproduire avec réalisme la dynamique des mouvements des sujets.

 

Dispositif du Rotoscope

Le dispositif du rotoscope permet de projeter par rétroprojection sur une vitre dépolie chaque image d’un modèle filmé. L’animateur, après avoir posé son celluloïd de l’autre côté de la vitre, n’a alors plus qu’à recopier ce qu’il voit.

Note : Ce dossier (et la liste qui suit) ne cite pas tous les films utilisant la technique de la rotoscopie. Il ne présente que les exemples significatifs.

 

Schema d'un rotoscope
Schema d'un rotoscope

 

Les débuts de la technique

En 1915, Max Fleischer, qui se distingue dans le milieu de l’animation avec son frère associé, dépose le brevet du dispositif de la rotoscopie, à l’occasion de la production de la série Out of the Inkwell (1918-1929) pour son personnage Koko le Clown.

 

The Tantalizing Fly
Out of the Inkwell - The Tantalizing Fly - Max Fleischer - 1919

 

En 1939, les frères Fleischer, supportés par Paramount Pictures, sortent le long métrage Les Voyages de Gulliver, dans lequel ils usent de leur technique de la rotoscopie pour animer le personnage de Gulliver, malheureusement marqué par un contraste flagrant sur le reste de l’animation.

Le Studio Fleischer améliore le rendu de la technique dans la série Superman (1941-1943).

 

Le Voyage de Gulliver et Superman
Les Voyages de Gulliver - Dave Fleischer - 1939 (à gauche) /  Superman - Fleischer Studios - 1941-1943 (à droite)

 

L'évolution de la technique

Le Studio Disney emprunte cette technologie dès son premier long métrage, mais l’exploite avec beaucoup plus de subtilité comme en témoigne le rendu naturel des mouvements de Blanche-Neige dans Blanche-Neige et les sept nains (1937), mais aussi de la Fée Bleue dans Pinocchio (1940) qui se meuvent de façon très harmonieuse.

 

Blanche-Neige et les sept nains et Pinocchio
Blanche-Neige et les sept nains - David Hand, Walt Disney - 1937 (à gauche) / Pinocchio - Hamilton Luske, Ben Sharpsteen - 1940 (à droite)

 

Le studio Disney sublime la technique dans le magnifique La Belle au bois dormant de Clyde Geronimi.

 

La Belle au Bois dormant
La Belle au bois dormant - Clyde Geronimi - 1959

 

Le russe Lev Atamanov utilise la rotoscopie dans ses films La Fleur écarlate (1952) et La Reine des neiges (1957) avec un rendu très soignée.

 

La Reine des Neiges
La Reine des Neiges - Lev Atamanov - 1957

 

Ralph Bakshi divorce d’avec son chat obscène et réalise Le Seigneur des anneaux (1978), présentait au public comme « le premier film peint » et employant « une technique entièrement inédite », des affirmations clairement exagérées. Le piètre résultat esthétique est sans appel, en effet, l’œuvre emploi la technique de la pire manière qu’il soit, c’est-à-dire avec l’intention de faire des économies budgétaires au dépit d’un résultat graphique satisfaisant. Une partie du film est tournée avec de vrais acteurs puis passée au rotoscope pour donner une allure d’animation. Ces prises de vue réelles rotoscopées donnent finalement l’impression que les séquences ont simplement été modifiées à l’aide d'un filtre graphique.

Le réalisateur renouvelle l’expérience avec Tygra, la glace et le feu (1983), pour un résultat plus honorable.

 

Le Seigneur des Anneaux et Tygra, la glace et le feu
Le Seigneur des Anneaux - Ralph Bakshi - 1978 (à gauche) / Tygra, la glace et le feu - Ralph Bakshi - 1983 (à droite)

 

La nouvelle génération d’artistes des Studios Disney n’abandonne pas la technique et continue de l'utiliser dans les films La Petite sirène (1989), La Belle et la Bête (1992), Aladdin (1993), Pocahontas, une légende indienne (1995), pour ne citer qu’eux. Là encore, la rotoscopie est utilisée à très bon escient, dans un souci de réalisme, et dans un rendu se mariant harmonieusement avec le reste de l’animation. Les artistes ne se contentent pas de copier les modèles traits pour traits mais les utilisent pour préciser le mouvement dans leurs dessins.

 

La Belle et la Bête et Pocahontas, une légende indienne
La Belle et la Bête - Gary Trousdale, Kirk Wise - 1991 (à gauche) / Pocahontas, une légende indienne - Mike Gabriel, Eric Goldberg - 1995 (à droite)

 

La rotoscopie numérique

Certains films sont tournés avec une caméra numérique afin que les données soient ensuite travaillées en infographie, comme Waking Life (2001) et A Scanner Darkly (2006) de Richard Linklater. Tous deux bénéficient d’un rendu hyper réaliste des plus étonnants, mais pas vraiment des plus confortables.

 

Waking Life et A Scanner Darkly
Waking Life - Richard Linklater - 2001 (à gauche) / A Scanner Darkly - Richard Linklater - 2006 (à droite)

 

La rotoscopie n’est pas du tout démodée comme le prouve le film Aloïs Nebel (2011) de Tomás Lunák, réalisé à partir de prises de vue réelles avec acteur et redessinées selon le procédé de la technique, tout comme le film Téhéran Tabou (2017) de Ali Soozandeh.

 

Aloïs Nebel et Téhéran Tabou
Aloïs Nebel - Tomás Lunák - 2011 (à gauche) / Téhéran Tabou - Ali Soozandeh - 2017 (à droite)

 

Impact de la rotoscopie

La rotoscopie permet quelques miracles de réalisme lorsqu’elle est utilisée intelligemment et, surtout, savamment dosée, mais malheureusement déplore parfois quelques catastrophes esthétiques dans des productions qui l’emploient à des fins d’économie budgétaire. Il est certain que l’invention de Max Fleischer a révolutionné le genre de l’animation en lui permettant la création de mouvements complexes jusqu’à lors difficilement réalisable. Toutefois, l’inventeur n’aura pas su tirer le meilleur de son invention, laissant le champ libre aux artisans des Studios Disney qui l'ont exploités avec les résultat que l'on connait. La rotoscopie lorsqu'elle utilisé sur la totalité d'un film est une méthode de création à part entière, encore utilisé de nos jours.

 

Les Sorciers de la Guerre
Les Sorciers de la Guerre - Ralph Bakshi - 1977