Musical
Musical
Dossier rédigé par Guillaume
La musique est un élément essentiel du cinéma, et lorsqu’un film intègre le chant et la danse au cœur de son récit, il se transforme en un film musical. L'animation s'est emparée de ce genre avec passion, offrant des œuvres où les numéros musicaux subliment l'histoire, pour le meilleur et parfois le pire.
La musique et le cinéma
A l'époque du muet, la musique est présente au cinéma dans le but de couvrir le bruit du projecteur. Ce rôle fonctionnel a ensuite évolué pour devenir un ingrédient à part entière de la production, soutenant la narration, créant le rythme et instaurant une ambiance. Rapidement, la musique devient un élément très important dans la création d'un film, souvent composée spécialement pour lui ou parfois sélectionnée parmi des œuvres célèbres de musique classique, de jazz ou même parmi les grands tubes de la musique pop.
L'essor de la musique synchronisée
Le premier dessin animé à avoir bénéficié du son est Steamboat Willie en 1928. Un cartoon qui marque la naissance officielle du personnage de Mickey Mouse grâce à l’accueil enthousiaste que lui réserve le public. Le bénéfice de sa bande sonore synchronisée contribue aussi à son succès. Le film est réalisé par Walt Disney et son célèbre chef animateur, Ub Iwerks, à qui l’on doit l’apparence de la souris.
Le maitre de l’animation continue de déployer sa créativité avec les Silly Symphonies (1929), des dessins animés musicaux novateurs et enchanteurs.
Des airs de comédies musicales
Disney va encore plus loin et standardise rapidement les chansons chantées directement par les personnages avec des titres uniques, composés spécialement pour l'occasion, et qui viennent servir la narration. C’est Blanche-Neige et les sept nains, en 1937, qui amorce cette pratique des longs métrages d'animation. Le chef-d’œuvre marque un record pour l’époque avec son budget de production de 1,48 million de dollars, très largement rentabilisé par les revenus engendrés à sa sortie et encore aujourd’hui. Walt Disney est convaincu de l'importance de la présence de musique et de chansons pour accompagner le récit. La plupart des œuvres du studio continueront à entretenir cette tradition.
Le studio expérimente en 1940 avec Fantasia, qui marie l’animation et la musique classique pour un résultat fascinant. Novatrice, l’œuvre utilise un procédé entièrement créé pour l’occasion, le Fantasound. Celui-ci permet de déployer un son stéréophonique en salle de cinéma. Malgré ces qualités indéniables, le film fait les frais de son exigence et souffre aussi du contexte économique fragilisé par la guerre. Son exploitation est un désastre. Fantasia se révèle un gouffre financier pour le studio, qui peinera à se relever de cet échec.
Et comment ne pas citer Mary Poppins, qui est sortie en 1964. Le film est magnifique sur tous les aspects. Aussi beau que poétique, il enchante le public avec ses chansons et sa magie. Son succès est total, tant critique que public.
C’est en 1990 que s’affirme le style comédie musicale dans les œuvres des studios Disney, avec une influence proche des shows de Broadway: dans La Petite Sirène (1989) pour commencer, puis dans la majorité des productions qui suivent, La Belle et la Bête (1991), Aladdin (1992), Le Roi Lion (1994), Pocahontas : Une légende indienne (1995), Le Bossu de Notre-Dame (1996), Hercule (1997), et Mulan (1998).
Une standardisation telle que les autres acteurs de l’industrie se sentent obligés de suivre le mouvement insufflé, c’est le cas de Don Bluth (ancien animateur des Studios Disney) avec son excellent Anastasia (1997) dont les chansons égalent en qualité celles des productions du maitre du secteur.
Warner Bros. imite la pratique dans Excalibur, l’épée magique (1998) et Le Roi et Moi (1999), malheureusement tout deux tombée dans l’oubli.
DreamWorks pousse aussi la chansonnette dans Le Prince d’Égypte (1998).
D'autres studios se prennent aussi au jeu, comme par exemple la société Nickelodéon dans Les Razmoket, le film (1999), avec toutefois un résultat dans ce domaine en demi-teinte.
Dans les années 2000 les chansons dans les dessins animés perdent de leurs saveurs et la pratique est rapidement taxées de ringardise, une réputation due en grande partie aux productions mercantiles et sans saveur des DisneyToon studios produisant les suites des grands classiques avec une politique de qualité au rabais et dont les chansons font grandement les frais.
Disney, le champion en la matière
Heureusement, le siècle suivant redonne toutes ses lettres de noblesses au genre de la comédie musicale, avec le très réussi Raiponce (2010) qui instaure un quatrième et nouvel âge d’or pour les studios Disney. Mais c’est surtout le raz-de-marée La Reine des neiges (2013), et son entêtante chanson Libérée délivrée, qui contribuera à renouer le public avec le genre. Une habitude que les studios ne semblent pas prêts à remettre de côté comme le prouvent les films Vaiana, la légende du bout du monde (2016) et La Reine des Neiges II (2019).
Pixar, qui boudait les chansons (chantés) jusqu’à lors, se met finalement au diapason avec son propre film « de princesse », Rebelle (2012), puis surtout dans l'émouvant Coco (2017), qui bénéficie d'une bande-son sublime.
Dans le reste du paysage de l’industrie du cinéma d’animation, on remarque le studio Laika qui propose une comédie musicale d’outre-tombe dans Les Noces funèbres de Tim Burton (2005).
En France, la mode s’entretient dans Un monstre à Paris de Bibo Bergeron (2011).
DreamWorks se met aux couleurs de la pop dans Les Trolls de Mike Mitchell et Walt Dohrn (2016).
Enfin, Illumination se distingue aussi dans Tous en scène de Garth Jennings (2017).
La Musique comme contexte
Certains films musicaux célèbrent la musique sans nécessairement s'inscrire dans le format traditionnel de la comédie musicale. Ces œuvres placent la musique au centre du récit et l'utilisent comme un vecteur puissant de narration et d'émotion, sans qu'elle devienne un moyen d'expression directe des personnages.
Chico & Rita (2010), réalisé par Fernando Trueba, Javier Mariscal et Tono Errando, raconte une histoire d'amour passionnée entre Chico, un talentueux pianiste cubain, et Rita, une chanteuse à la voix envoûtante, sur fond de musique jazz et de bouleversements sociopolitiques. Située à La Havane des années 1940 et 1950, puis à New York et à Paris, l'intrigue explore les défis de la célébrité, de la distance et des choix personnels qui influencent leur relation.
Soul (2020) de Pixar incarne parfaitement cette approche en plaçant le jazz au cœur du film. Le protagoniste, un pianiste, explore la signification de la vie et de la passion à travers sa relation intime avec la musique. Bien que le film ne soit pas une comédie musicale au sens classique, sa bande sonore et ses séquences musicales sont essentielles pour saisir la profondeur du personnage et l'essence de l'histoire.
Blue Giant (2023) raconte l'histoire d'un jeune amateur de jazz qui aspire à devenir un grand musicien, avec des performances musicales intenses qui ponctuent sa quête et traduisent ses émotions.
Concert et album visuel animé
Certaines œuvres repoussent les limites de la définition traditionnelle du film musical en combinant performances en concert et séquences animées pour créer des expériences visuelles uniques.
Yellow Submarine (1968), inspiré par la musique des Beatles, utilise l'animation pour donner vie aux paroles et à l'univers psychédélique de leurs chansons.
Interstella 5555 : The 5tory of the 5ecret 5tar 5ystem (2003) montre comment la musique peut être portée par des visuels stylisés, transformant des albums en récits captivants.
Happier Than Ever : A Love Letter to Los Angeles (2021) est un concert de Billie Eilish, enrichis de séquences animées qui amplifient les émotions de ses chansons.
La musique s'illustre parfois comme le cœur battant d'un film, véhiculant des émotions, soutenant l'intrigue et enrichissant l'expérience du spectateur de manière unique. Si l’aspect comédie musicale dans les films d’animation a connu des hauts et des bas dans son histoire, la dimension musicale des œuvres ne cesse de gagner de l’importance avec le temps, et apparait définitivement comme un élément indispensable d’une production réussie.