Expérimental
Expérimental
Dossier rédigé par Guillaume
Les films expérimentaux représentent un domaine du cinéma où la créativité et l'innovation priment sur la narration conventionnelle et les codes de l'industrie. Ces œuvres se caractérisent par leur refus de se conformer aux structures narratives classiques et par leur exploration de nouvelles techniques visuelles et sonores. Ce genre, qui évolue souvent en dehors des circuits commerciaux, est prisé par les artistes et les réalisateurs avant-gardistes qui cherchent à repousser les frontières de la forme cinématographique.
Appliquée au monde de l'animation, cette approche expérimentale ouvre des perspectives encore plus vastes. L'animation expérimentale combine la liberté visuelle de l'animation traditionnelle avec l'esprit novateur du cinéma expérimental. Qu'il s'agisse de grattage de pellicule, de peinture à même la pellicule, de l'animation de sable ou de l'utilisation de matériaux non conventionnels, ces œuvres cherchent avant tout à créer un impact visuel et émotionnel fort, souvent sans dialogue ni structure narrative traditionnelle.
L'animation expérimentale, tout comme son homologue en prise de vue réelle, se développe en marge des grands studios et du cadre commercial, permettant aux créateurs de s'affranchir des contraintes habituelles et de laisser libre cours à leur imagination.
Définir l'animation expérimentale
Souvent esthétiquement hors normes, cette art promeut ses propres codes expressifs, en dehors de la standardisation des techniques dites classiques.
Il est difficile de définir exactement si un film d’animation est expérimental ou non, car cela relève de la subjectivité. Par ailleurs, la notion d’expérimentation s’avère insuffisante pour en donner une définition précise. On peut cependant considérer qu’un film d’animation est expérimental dès lors que sa démarche créative se situe essentiellement au niveau de la forme, conçue en dehors de l’industrie du cinéma (ou très fréquemment à ses marges), ou au niveau du fond, sans réelle considération pour les préoccupations industrielles, économiques, commerciales, scénaristiques, narratives, etc. On peut ainsi établir que l’animation expérimentale va à contre-courant des normes du genre, de par sa définition, son format, et son contenu.
Nous pouvons aussi considérer qu'une œuvre expérimentale réside avant tout dans la nouveauté d'une forme d'expression cinématographique inédite. Lorsqu'une idée, une technique ou un style est exploré pour la première fois, elle peut être qualifiée d'expérimentale, car elle repousse les limites établies. Cependant, lorsque cette même idée est répétée et devient une marque de fabrique d'un artiste, elle cesse d'être expérimentale pour s'inscrire dans un style distinctif propre à ce créateur.
La marginalité de l'animation expérimentale
L’animation expérimentale est une pratique parallèle qui souffre de sa scission avec l’animation commerciale et industrielle. Elle regroupe les avant-gardistes et les créateurs hors normes au sein d’une appellation incluant des courants aussi divers que l’art abstrait, l’art onirique, le surréalisme, l’underground, l’art structurel, les films d’animation politiques, ainsi que certains films documentaires animés.
Il existe de nombreux exemples d’animations expérimentales, notamment parmi les formats courts. En citer tous les exemples serait fastidieux, d’autant que la plupart sont inconnus du grand public. Nous n’évoquerons donc que les œuvres les plus significatives susceptibles d'être connues d'un large public.
Les plus illustres exemples d'animation expérimentale
L’un des films d’animation expérimentale les plus emblématiques est sans aucun doute Fantasia des studios Disney. Sortie en 1940, l’œuvre associe pour la première fois l’animation et la musique classique pour un résultat fascinant. Novateur, le film utilise un procédé entièrement créé pour l’occasion, le Fantasound. Celui-ci permet de déployer un son stéréophonique en salle de cinéma. Malgré ces qualités indéniables, le film fait les frais de son exigence et souffre aussi du contexte économique fragilisé par la guerre. Son exploitation est un désastre. Fantasia se révèle un gouffre financier pour le studio, qui peinera à se relever de cet échec.
Parmi les artistes avant-gardistes qui exploitent de nouvelles possibilités à travers le monde, on trouve l’italien Bruno Bozzetto avec ses courts métrages à teneur politique et satirique, ou encore le Britannique John Halas connu pour ses films d’animation de propagande, tel que La Ferme des Animaux (1954).
Techniques d'animation innovantes
Le réalisateur Norman McLaren, quant à lui, expérimente des techniques d’animation sans caméra, le grattage de pellicule, la peinture sur pellicule, et, plus étonnant encore, la peinture du son sur pellicule, qui consiste à composer la musique en grattant la piste sonore optique.
Le Néo-Zélandais Len Lye, lui aussi, utilise le grattage de pellicule. Son film Free Radicals est entamé en 1958 et terminé en 1979, soit après vingt et un ans de travail.
Citons également La Plante humaine de Pierre Hèbert, un long métrage sorti en 1996, mêlant prises de vues réelles et gravure sur pellicule pour un résultat surprenant.
Le couple Claire Parker et Alexander Alexeieff sortent en 1933 un court métrage intitulé Une nuit sur le mont Chauve. Sa particularité se trouve dans sa technique extrêmement rare d’animation à l’écran d’épingles. Celle-ci permet une riche gamme de tons allant du noir au blanc.
L'animation pour adultes
Le cinéma d’animation ne s’adresse pas uniquement aux enfants, même si son esthétique suggère souvent et fortement l’inverse. Le réalisateur américain Ralph Bakshi décide d’amener le genre dans un domaine inattendu en réalisant un dessin animé exclusivement à destination d'un public adulte. Fritz le chat, sorti en 1959, est un film très controversé, et pour cause, il est le premier long métrage d’animation à recevoir un classement X. L’histoire met en scène un chat anthropomorphe débridé dans une satire de la vie universitaire et de la sexualité libérée. Le film devient rapidement un succès mondial. L’œuvre, de par son approche et surtout de par sa nouveauté, peut être considérée comme un film expérimental.
Belladonna est un conte érotique réalisé par Eiichi Yamamoto. Dernier opus d’une trilogie, il est le seul des trois à avoir bénéficié d’une sortie en salle de cinéma dans l’hexagone. La particularité du film n’est pas tant dans son contenu que dans sa forme étonnante, qui bénéficie d’une esthétique psychédélique et poétique des plus extraordinaire.
Œuvres surréalistes
George Dunning réalise en 1968 le film Yellow Submarine, basé sur la chanson homonyme des Beatles. L'oeuvre s’impose dès sa sortie comme un incontournable de l’animation, autant pour son univers haut en couleur que pour son travail technique avant-gardiste. Le film musical surprend par ses aspects surréalistes et psychédéliques qui font de lui une curiosité créative unique.
L'animation de sable
Depuis les années 70, plusieurs réalisateurs s’essaient à l’animation de sable, qui consiste à utiliser ses propriétés plastiques pour réaliser des images en mouvement comme on le ferait avec la peinture.
Eliot Noyes Jr emploie cette technique dans le court métrage Sandman (1973).
L’animation de sable est parfois associée à l’animation en volume. Le château de sable (1977) de Co Hoedeman est sans doute l’exemple le plus parlant de cette combinaison.
Le Hongrois Ferenc Cako s’illustre dans ce domaine avec notamment des performances d’animation en direct.
Styles distinctifs
Bill Plympton se fait un nom dans le genre de l'animation expérimental avec un univers et une ambiance graphique unique. Le réalisateur américain a réalisé neuf longs métrages dans lesquelles ils peaufinent son style très distinctif. Son premier long métrage, The Tune avec ses traits caractéristiques et sa narration non conventionnelle, peut être considéré comme expérimental. En revanche, ses œuvres suivantes, bien qu'originales et uniques, ne relèvent plus de l'expérimental puisqu'elles s'inscrivent dans une esthétique désormais reconnue et maîtrisée par l'artiste.
Enfin le format inédit du film La Passion Van Gogh de Dorota Kobiela et Hugh Welchman, dont l’animation est effectuée à partir des toiles du peintre, lui vaut une place largement mérité au sein de la famille de l’animation expérimentale.
L'avenir de l'animation expérimentale
Par définition, le genre ne sera jamais standardisé, et demeurera toujours en marge de l’animation classique. Le cinéma expérimental, dans son plus large sens, ne peut prétendre à toucher un public aussi important que le cinéma traditionnel, et ne s’adressa toujours qu’à une minorité de passionnés attentifs à la nouveauté, à l’audace et à l’originalité. Pour autant, le genre est la branche du septième art le plus incroyable en raison de sa diversité, sa liberté créative, et surtout ses capacités étonnantes à casser les codes et de rechercher toujours plus loin ce qui n’a encore jamais été réalisé.